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Empreint d’une longue tradition, le trust trouve principalement son origine dans le droit anglo-saxon. Plus récemment, le trust a parfois été présenté sous un jour peu flatteur en raison de pratiques internationales d'évasion fiscale. Pourtant, la raison d'être du trust est légitime et pas uniquement pour des raisons fiscales. Qu’est-ce qu’un trust? Quelles sont les différents types de trust et de quelle manière peuvent-ils être utilisés? Les réponses à ces questions se trouvent dans cet article.
En simplifiant à l’excès, le fonctionnement d’un trust est le suivant: le constituant d’un trust (le settlor) transfert un patrimoine défini à une personne (le trustee) avec le mandat de le gérer en faveur d’un tiers (le beneficiary).
Une estimation datant de 2008 a montré que plus de la moitié de la fortune privée déposée auprès de banques suisses est détenue directement ou indirectement par des trusts[1]. Ce chiffre illustre de manière impressionnante l'importance économique et la large diffusion du trust, mais également sa réalité juridique et économique.
Comme mentionné en introduction, le trust est présenté sous un jour peu flatteur dans les récents débats politiques. Une telle image n'est pas tout à fait justifiée étant donné qu’il est reconnu dans le domaine de la planification successorale pour être un instrument de protection durable du patrimoine, comme l’illustre l'exemple ci-dessous:
Monsieur et Madame A. possèdent un patrimoine important. Leurs deux enfants, âgés de 19 et 22 ans, sont encore étudiants. Le couple souhaite prendre des dispositions pour que les enfants n’accèdent pas au patrimoine familial avant l'âge de 30 ans. En outre, dans le but de protéger le patrimoine sur plusieurs générations, la gestion de la fortune ainsi que le versement des fonds aux descendants doivent être mesurés et contrôlés en fonction des besoins. Si Monsieur et Madame A. venaient à décéder, le patrimoine familial serait transféré aux deux enfants en vertu du droit successoral. Ces derniers, en tant que propriétaires, pourraient en principe en disposer sans restriction. Toutefois, le patrimoine détenu par un trust ne fait pas partie de la masse successorale et n’est donc pas transféré directement aux enfants en cas de décès des parents. Sous l’angle du droit civil, le gestionnaire du trust reste concrètement le propriétaire, il gère le patrimoine et détermine les versements aux enfants en tenant compte des éventuelles déclarations d’intentions exprimées par le settlor au moment de la constitution du trust («letter of wishes»). |
En Suisse, le trust n'est pas réglementé dans le droit civil. A ce jour, il n'est donc pas possible de constituer un trust au sens du droit suisse. Cependant, depuis 2007, année de l’entrée en vigueur de la convention de La Haye sur les trusts, la Suisse reconnaît les trusts constitués à l’étranger. Le trust n'est pas non plus régi par le droit fiscal suisse, mais l’imposition des trusts étrangers en Suisse est réglée par les directives pratiques de la Conférence suisse des impôts (Circulaire n° 30 du 22.08.2007) ou de l’AFC (Circulaire n° 20 du 27.03.2008).
La circulaire distingue trois types de trust:
- Revocable Trust
- Irrevocable Fixed Interest Trust
- Irrevocable Discretionary Trust
Types de trust et leur traitement fiscal
Il faut souligner que, selon le droit en vigueur, le trust n’a aucune personnalité juridique propre. Par conséquent, il n’est pas considéré comme un sujet fiscal autonome d’un point de vue des impôts sur le revenu et sur le bénéfice (traitement fiscal transparent). Cet article présente les différents types de trust existants et leurs caractéristiques essentielles, mais également les personnes auxquelles les revenus et les valeurs patrimoniales sont attribuées sur le plan fiscal.
Revocable Trust
Dans le cas d’un Revocable Trust, le settlor se réserve le droit de révoquer le trust et de se faire restituer le patrimoine. Le settlor ne s’est donc pas définitivement dessaisi de son patrimoine.
Création/Constitution
Pratique en vigueur | Proposition nouvelle loi | Différence |
Pas de conséquences fiscales | Pas de conséquences fiscales | Aucune différence |
Impôts courants sur le revenu et sur la fortune
Pratique en vigueur | Proposition nouvelle loi | Différence |
Attribution fiscale du revenu et de la fortune reste au settlor | Attribution fiscale du revenu et de la fortune reste au settlor | Aucune différence |
Distribution
Pratique en vigueur | Proposition nouvelle loi | Différence |
Event. impôts cantonaux sur les donations et sur les successions | Event. impôts cantonaux sur les donations et sur les successions | Aucune différence |
Irrevocable Fixed Interest Trust
S’agissant de ce type de trust, c'est l'acte constitutif du trust qui définit directement les détails touchant aux beneficiaries et à leurs droits. Cela signifie que le trustee n’a aucune marge de manœuvre quant à la répartition du patrimoine du trust ou des revenus qui en découlent et que les beneficiaries disposent d’une prétention patrimoniale qu’ils peuvent faire valoir en justice (assimilation fiscale à l’usufruit). Dans ce cas, le constituant du trust s’est définitivement dessaisi de son patrimoine.
Création/Constitution
Pratique en vigueur | Proposition nouvelle loi | Différence |
Event. impôts cantonaux sur les donations et sur les successions | Event. impôts cantonaux sur les donations et sur les successions | Aucune différence |
Impôts courants sur le revenu et sur la fortune
Pratique en vigueur | Proposition nouvelle loi | Différence |
Attribution fiscale (au prorata) du revenu et de la fortune aux beneficiaries, assimilable à l’usufruit |
Attribution fiscale (au prorata) du revenu et de la fortune aux beneficiaries, assimilable à l’usufruit | Aucune différence |
Distribution
Pratique en vigueur | Proposition nouvelle loi | Différence |
Pas de conséquences fiscales (attribution directe courante du revenu/patrimoine; cf. ci-dessus) | Pas de conséquences fiscales (attribution directe courante du revenu/patrimoine; cf. ci-dessus) | Aucune différence |
Irrevocable Discretionary Trust
Contrairement au Irrevocable Fixed Interest Trust (cf. ci-dessus), les beneficiaries d’un Irrevocable Discretionary Trust ne sont pas clairement désignés. L’acte de constitution ne décrit que des classes abstraites de bénéficiaires possibles. Le trustee est en principe libre de décider de la répartition du patrimoine du trust dans les différentes classes définies.Les beneficiaries disposent donc simplement d’un droit expectatif. Dans ce cas également, le constituant s’est définitivement dessaisi de son patrimoine.
Création/Constitution
Pratique en vigueur | Proposition nouvelle loi | Différence |
Event. impôts cantonaux sur les donations et sur les successions | Event. impôts cantonaux sur les donations et sur les successions | Aucune différence; cependant, reste à savoir qui doit être le bénéficiaire de la donation selon le droit en vigueur étant donné que, après constitution, le patrimoine du trust ne peut en principe être attribué à personne (cf. «Impôts courants sur le revenu et sur la fortune» ci-dessous). La circulaire n° 20 de l’AFC du 27.03.2008 n’indique rien à ce sujet. |
Impôts courants sur le revenu et sur la fortune
Pratique en vigueur | Proposition nouvelle loi | Différence |
Imposition régulièrement en suspens - en principe, aucune attribution au settlor, au trustee ou au beneficiary n’est possible Exception: Dans la pratique, lorsque le settlor est domicilié en Suisse, le patrimoine et ses rendements lui restent attribués au niveau fiscal (mêmes conséquences juridiques que pour un revocable trust; cf. ci-dessus) |
Impôts sur le bénéfice et le capital pour un trust/Même imposition qu’une fondation. | Les facteurs de revenus et de patrimoine du trust sont désormais directement attribués au trust (changement de système vers un traitement non transparent du trustee). Par conséquent, le trust est considéré comme un sujet fiscal autonome, à l’instar d’une fondation. En Suisse, c'est le domicile fiscal des beneficiaries qui détermine l'assujettissement à l’impôt et pas le siège/lieu de l’administration effective. |
Distribution
Pratique en vigueur | Proposition nouvelle loi | Différence |
Revenu imposable; sous réserve que la preuve soit faite qu'il s’agit du capital initial du trust, mais impossibilité de faire valoir des gains en capital privés exonérés d'impôt | Revenu imposable | En principe, aucune différence |
Un droit du trust suisse - Et maintenant?
Le 12 janvier 2022, le Conseil fédéral, sur mandat du Parlement, a ouvert la consultation sur un droit du trust suisse. Les milieux spécialisés jugent le projet de manière critique. Des experts de renom parlent d’un raté fiscal et d’un véritable autogoal qui risque de nuire à l’attractivité de la place économique suisse[2].
La raison principale de cette hypothèse réside dans le fait que, dans sa proposition, le Conseil fédéral supprime les avantages fiscaux actuels de l'Irrevocable Discretionary Trust. Alors que selon la pratique actuelle, il n'existe aucune imposition courante du trust, la proposition du Conseil fédéral prévoit d’imposer les revenus courants du trust (gains en capital inclus). En outre, la distinction faite actuellement dans le domaine de l'impôt sur le revenu entre l'exonération fiscale de la substance apportée initialement et celle de la substance ajoutée doit être supprimée pour les libéralités. Dans les faits, l’Irrevocable Discretionary Trust sera assimilé sur le plan fiscal à une fondation suisse, laquelle n’est pas exonérée d’impôt. Cela rendrait les fondations familiales de droit étranger, reconnues en Suisse comme sujets fiscaux, nettement plus attrayantes qu’un trust suisse au sens du droit proposé.
Attendons de voir si le projet actuel est capable de franchir les obstacles du Parlement et d’atteindre l’objectif ou si le Parlement rejette le projet et demande au Conseil fédéral de revoir sa copie.
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[1] Message relatif à l’introduction du trust: Modification du droit des obligations, rapport explicatif relatif à l'ouverture de la procédure de consultation, 12.01.2022, ch. 1.1.7
[2] Revue fiscale 04/2022, page 266-291, Opel/Oesterhelt, Avant-projet de trust suisse Analyse des dispositions fiscales selon le projet du Conseil fédéral du 12 janvier 2022.
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